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dimanche 3 août 2008

Un repas de famille

Elle s'est échappée dès qu'elle l'a pu, prenant le risque d'attrister sa mère. Elle a roulé lentement en écoutant Tom Waits. Le Causse était anormalement beau pour la saison, trop vert, d'un vert presque vénéneux, atomique sous le soleil cruel. En partant, elle a bien lu une solitude désespérée au fond des yeux maternels. Mais elle n'a pas pu rester plus longtemps dans cette maison, coquille trop pleine aux murs incrustés de haine et d'ennui. Aussi loin qu'elle se souvienne, elle a toujours ressenti la famille comme un vêtement trop étroit qui gênait ses mouvements. Pendant le repas, elle a eu envie de perturber l'ordonnancement rituel des conversations, de lancer une incongruité et la laisser flotter au-dessus des convives. "Le clitoris est une preuve de l'existence de Dieu", aurait-elle pu dire par exemple. Cette pensée lui a arraché un sourire sur lequel son père s'est mépris : "tu souris, mais ce que je dis c'est la pure vérité, c'est IRREFUTABLE !" D'accord, papa, le clitoris est une preuve IRREFUTABLE de l'existence de Dieu. A part ça, bien évidemment, tu as toujours raison, personne ne s'aviserait de te contredire. Sa mère lui a dit, une fois de plus, "j'ai l'impression que tu n'as jamais été enfant". Oui maman, je sais, j'ai été une enfant trop sérieuse, j'ai appris à rire et à jouer bien plus tard. Enfant, je ne pouvais pas être enfant. Maintenant, elle a la gorge nouée elle voudrait pleurer être consolée réconciliée.

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