"Ecoutez ! C'est le coq ! Comment décrire le chant du shangaï à midi ? En comparaison, celui du lever était un murmure. De tous les cris de coq qui aient jamais été donnés à la stupéfaction d'un mortel, c'était le plus puissant, le plus long, le plus étrangement musical. J'en avais entendu auparavant, des cris de coq, et pas n'importe lesquels ; mais celui-là, alors ! avec des accents de flûte suave même dans la clameur, une maîtrise dans le transport d'exultation - si ample, une gamme si élevée, si aisément modulable, si facile à gravir qu'on l'eût dite issue d'une gorge d'or largement rejetée en arrière. Ce chant n'avait rien du cri sottement fat de quelque jeune coq estudiantin qui ignore tout du monde et qui se lance dans la vie avec une joyeuse audace, parce qu'il ne sait rien de ce qui l'attend. C'était le chant d'un coq qui clamait en connaissance de cause, le chant d'un coq qui avait de l'expérience, le chant d'un coq qui s'était battu avec le monde, qui avait eu le dessus et qui était maintenant résolu à chanter, quand bien même la terre devrait se soulever pour faire crouler les cieux. C'était un cri de sagesse, un cri invincible, un cri philosophique, l'essence du cri."
Herman Melville, Cocorico ou Le cri du noble coq Beneventano (Allia, 2009) - traduit de l'anglais par Jean-Yves Lacroix
Demain, récit…
Il y a 12 heures
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