Blog vagabond, culturel et champêtre

lundi 24 novembre 2008

Dépenser, c'est faire des économies

"Qui s'intéresse à l'art, et rassemble la bibliothèque s'y rapportant, se heurte immédiatement à deux problèmes. Le premier est financier : les livres d'art valent, en moyenne, trois ou quatre fois plus cher qu'un livre de texte - et parfois beaucoup plus -, ils ne sont jamais publiés en poche et, une fois épuisés, sont rarement réédités. Leur prix sur le marché de l'occasion peut alors monter très haut. D'où le regret de ne pas les avoir acquis sur le moment, ce qui incite à ne pas commettre la même erreur et donc à multiplier les achats pour ne pas avoir à le regretter plus tard. C'est sans fin. Quant aux catalogues d'expositions, ils ne sont par définition jamais réimprimés une fois l'événement passé. (...) Comment ensuite, à la sortie d'une exposition intéressante, hésiter à acquérir le catalogue ? Cela pourrait même être considéré comme un acte d'économie !"

Jacques Bonnet, Des bibliothèques pleines de fantômes (Denoël, 2008)

mardi 18 novembre 2008

"Ecris-nous"

Lorsque j'ai l'esprit libre, j'écris parfois de petits textes Ou plutôt, j'ai de petits textes qui s'écrivent tout seuls et je les laisse faire. Fragments, poèmes, dialogues, débuts d'histoires - j'aime les commencements, les matins, les épiphanies.

C'est une expérience un peu étrange, très agréable, comme des fruits à bonne maturité qui arriveraient dans ma main et me diraient "mange-nous". Je ne sais pas d'où viennent ces textes, je n'ai jamais été tentée de les travailler. Je sais que je suis lectrice, pas écrivain. Quelquefois, j'ai pourtant envie d'écrire une histoire, une vraie, dont le personnage principal serait un homme qui parlerait à la première personne, une sorte de fausse autobiographie où masculin et féminin tisseraient un texte ambigu. Et je suis sure d'être totalement incapable d'écrire quelque chose qui se rapprocherait de cela.

dimanche 16 novembre 2008

jeudi 13 novembre 2008

Le licou

"Elle leur avait dit tout ce qu'elle savait, savait à moitié, devinait et devinait à moitié, tout jusqu'à la lie, mais elle n'avait pas pleuré, elle ne s'était même pas plainte. Comment se faisait-il qu'elle se soit ralliée si vite à leur camp ? Qu'était-il arrivé à la rebelle en elle, à ses légendaires capacités d'argumentation et de résistance si appréciées du forum familial ? Pourquoi n'avait-elle pas tissé sa toile de mensonges, comme pour Herr Werner ? Etait-ce le syndrome de Stockholm ? Elle se rappela un poney qu'elle avait eu, Moritz. Moritz était un délinquant. Impossible à dresser, impossible à monter. Aucune famille dans tout le Bade-Wurtemberg n'en voulait - jusqu'à ce qu'Annabel en entende parler et, histoire de faire montre de son pouvoir, passe outre l'avis de ses parents et collecte des fonds auprès de ses camarades d'école pour l'acheter. Quand Moritz fut livré, il donna un coup de pied au palefrenier, creusa un trou dans son box avec son sabot et s'enfuit dans le paddock. Mais le lendemain matin, quand Annabel se précipita dehors pour le voir, il avança vers elle, baissa la tête pour accepter le licou et devint à tout jamais son esclave. Il avait fait une ventrée de rébellion et voulait maintenant que quelqu'un d'autre prenne ses problèmes en charge."

John Le Carré, Un homme très recherché (Seuil, 2008) - traduit de l'anglais par Mimi et Isabelle Perrin

lundi 3 novembre 2008

Lisant

"Jusqu'à ce que je parte, tout entier, corps et âme, et même après, encore, quelque chose m'a échappé de cette échappatoire que les livres, à Brive, m'ont procurée. Je lisais. J'avais entre les mains un de ces volumes qui sont, lorsqu'on les ouvre, comme un coin enfoncé dans l'épaisseur du monde. J'étais absenté à moi-même et aux entours immédiats, aux choses qui furent, à l'origine, toutes les choses. Je croyais, du moins. J'ai cru que, par le truchement des livres entrouverts, on accède à ce qui est caché ou différent ou simplement distant. J'ai croisé dans les mers chaudes, combattu à Smolensk. J'ai défendu le fortin, avec Jim Hawkins, volé en direction d'Albert, à trente mille pieds, au côté de Saint-Exupéry, qui avait des attaches en Limousin. Mais en fait, je n'ai jamais quitté Brive. Albert, Smolensk, l'île au trésor, loin de ressembler à ce qu'ils sont, là-bas, dans l'éloignement où ils résident effectivement, lorsque j'ai eu à les imaginer au moyen des signes écrits qui parlaient d'eux, ce fut toujours sous des espèces autres, familières et proches. L'assimilation se faisait à partir d'affinités secrètes, si vite que l'opération m'échappait complètement, comme ces combinaisons chimiques où deux éléments hétérogènes mais très avides l'un de l'autre s'unissent intimement pour engendrer un corps composé où leurs propriétés s'interpénètrent en se neutralisant. C'est bien plus tard que j'ai discerné ce que, lisant, je regardais sans le voir."

Pierre Bergounioux, L'empreinte (Fata Morgana, 2007)

dimanche 2 novembre 2008

Crâneuses vanités

Que faire un dimanche 2 novembre quand il pleut ? Eh bien, se souvenir que le 2 novembre, c'est le Jour des Morts. Voilà un post qui commence bien, me direz-vous ! Désespoir, mélancolie lugubre et tous les trucs trucs dans le genre... Mais non ! C'est le jour idéal pour plonger dans un livre pas triste du tout : Le livre des vanités d'Elisabeth Quin (éditions du Regard, octobre 2008). Un très beau livre à l'iconographie riche (bravo Isabelle d'Hauteville) et à la mise en page tonique, qui nous accueille en habits ironiques de noir et d'argent.




Plus de 350 pages de crânes en tous genres, une figure emblématique de l'absence-présence présentée à travers le temps et l'espace, avec un focus particulier sur les diverses interprétations des Vanités par les artistes contemporains : "Papas" d'Alain Séchas, crânes sculptés dans une pomme, une pastèque ou de la mortadelle, crâne serti de diamants de Damien Hirst, mais aussi bijoux, boutons de manchettes, crânes mexicains en sucre, etc...

Et des paroles d'écrivains, de collectionneurs, d'artistes, comme Miquel Barcelo : "Mes crânes sont des planètes qui ont beaucoup roulé leur bosse. Mais j'y vois aussi des pelotes de laine, la pelote du destin qui se termine abruptement. Le crâne dans mes tableaux s'apparente aussi à une coquille vide, une orange pelée, une grenade explosée, une conque, un objet dé-hiérarchisé, démocratique." Ou Pierre Skira, peintre et historien d'art : "Je peins des instruments de musique, des livres, des crânes. Si j'ai un souci d'exécution ou de composition, j'introduis un crâne et les choses trouvent miraculeusement leur centre de gravité."




En ce Jour des Morts, on pourra aussi rendre visite au ravissant petit cimetière de Chartrier-Ferrière, en basse Corrèze, à la limite des régions Limousin, Aquitaine et Midi-pyrénées.





Enfin, comme la campagne est magnifique en ce moment (pluie ou pas), aujourd'hui une promenade par les chemins creux s'impose. Ci-dessous une photo de l'un de mes préférés, tout près de Chartrier-ferrière.




Voilà, Memento Mori, mais fions-nous aussi à l'Ecclésiaste (VIII,15) : "Et j'ai loué la joie, car il n'y a rien de bon pour l'homme sous le soleil, si ce n'est de manger, de boire et de se réjouir, et cela l'accompagne dans son travail durant les jours de sa vie que Dieu lui a donnés sous le soleil."