"Comme il n'y avait que cet hôtel, on n'avait pas le choix d'aller ailleurs, du moins sur cette rive. Et personne ne songeait à aller manger sur l'autre rive où il y avait cependant deux hôtels. Non, on restait sur cette rive torride où on mangeait forcément toujours la même chose, le patron ne craignait aucune concurrence, fût-ce même celle de l'autre rive : du poisson, des pâtes, du bouillon. Le ravitaillement, prétendait le patron, arrivait mal et c'était la raison de ce sempiternel menu. C'était une habitude à prendre, la plupart des clients l'avaient prise.
Les repas n'en étaient pas moins gais pour autant. On se parlait, on s'interpellait d'une table à l'autre, et les conversations en général gagnaient toutes les tables de la tonnelle. Et de quoi parlait-on sinon de ce lieu infernal et de ces vacances qui étaient mauvaises pour tous, de la chaleur ? Les uns prétendaient qu'il en était ainsi de toutes les vacances. D'autres, non. Beaucoup se souvenaient avoir passé d'excellentes vacances, tout à fait réussies. Tout le monde était d'accord sur ce point qu'il était rare de réussir ses vacances, rare et difficile, il fallait beaucoup de chance.
En général, personne ne se souvenait avoir passé des vacances aussi ratées que celles-ci.
Sur les causes de ce ratage, les avis différaient."
Marguerite Duras, Les petits chevaux de Tarquinia (Gallimard, 1953)
De « pinchina » à Pinchinat
Il y a 2 jours
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