"Cependant dans cet embouteillage étrange, dans la fumée bleue des diésels, le guépard se met à tousser atrocement, c'est une toux déchirée, écartelée entre deux tons, l'attaque est rauque mais elle finit dans des aigus grotesques, dénaturée. Il sonne comme un gros chat malade et castré, et désormais Pierre est au bord des larmes, il a fait taire d'un geste excédé le chauffeur qui lui soufflait shoot, shoot, il écoute ce cri comme s'il s'agissait d'y reconnaître des paroles inouïes, ce cri est la détresse du guépard et comme l'expression parfaite de la tristesse qui maintenant unit l'animal aux hommes, aux silhouettes torturées des grands acacias, et même aux griffures glacées des nuages du soir, le cri des êtres sans langage touche au fond sans paroles du langage des hommes. Seule la honte d'être là sauve Pierre des larmes, la honte qui nous sépare des hyènes et des vautours."
Stéphane Audeguy, Nous autres (Gallimard, 2009)
De « pinchina » à Pinchinat
Il y a 2 jours
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